Il faut combattre les idées reçues sur la performance de l’achat public !

L’analyse des candidatures : enfin un outil optimal pour une méthode fiable

Interview de Christophe CARLESResponsable de la coordination des achats du Conseil départemental du Cher

ACP FORMATION : Selon vous, qu’est-ce qui fait la performance d’un achat public ?

Christophe CARLES : Dans un contexte économique difficile, pour les entités publiques et pour les collectivités locales en particulier, il est tentant d’attendre d’abord et avant tout de la fonction achats des économies budgétaires rapides, et de mesurer sa performance à l’aune de celles-ci.

Mais au sein d’une organisation, la commande publique ne peut pas se construire et s’imposer contre les directions « métiers » ou opérationnelles, quelles qu’elles soient. Si elle est installée comme celle qui va faire à la place de, qui va apprendre aux autres Directions comment bien ou mieux travailler, sans rien connaître ni comprendre à leur activité, et sans même s’y intéresser, l’initiative est quasiment toujours vouée à l’échec. Un achat public performant ne peut pas se résumer à un achat qui casse les prix, qui achète moins bien moins cher. Au contraire ! Le plus souvent, les prix d’achat ne représentent pas plus de 20% des économies réalisables.

Pourtant répandue, cette conception de la performance Achats pousse aussi la Commande publique à se construire contre ses fournisseurs, en accordant une importance exagérée au prix d’achat, sans s’interroger à aucun moment sur les autres coûts, notamment cachés.

Enfin elle ne peut pas non plus se résumer au respect de la réglementation, à assurer une sécurité juridique, quand le risque zéro n’existe pas.

ACP FORMATION : Mais alors, qu’est-ce qui fait la véritable performance d’un achat public ?

Christophe CARLES Même si la notion de performance et l’équilibre de ses composantes vont varier d’une organisation publique à l’autre, en fonction notamment de ses compétences et du territoire de son action, il restera toujours des points communs :

  1. Il est facile de l’oublier, mais la satisfaction du « juste besoin » du client interne reste primordiale (à ne pas confondre avec la satisfaction du client, qui est par nature réticent au changement !), et ne doit pas être sacrifiée aux dépends des autres composantes de la performance.
    Un achat performant réussit ainsi à allier à la compétence technique de la Direction client les compétences d’analyse des besoins et de l’offre fournisseurs, de rédaction des pièces de marché et des procédures de passation. Le respect mutuel des deux parties, et un dialogue total sont indispensables pour réussir. La fonction Commande Publique gagne son pari lorsqu’elle se positionne comme un apporteur de solutions, et que les contraintes juridiques (par ailleurs bien réelles) deviennent indolores voire invisibles pour le client interne. Pour cela, il est indispensable qu’elle soit associée au plus tôt aux projets de l’organisation…
  2. La réalisation d’économies récurrentes donc durables, que la prise en compte du coût global dans le jugement des offres encourage : il faut parfois dépenser plus à l’instant T pour générer à terme des économies très largement supérieures. Il ne s’agit donc plus seulement de répondre au juste besoin de l’instant T, mais d’en mesurer l’évolution à moyen terme et de l’anticiper. En raisonnant par exemple tout au long de la possession du produit, l’achat public contribue à rendre les processus internes plus efficients, notamment en termes d’approvisionnement, dont la sécurisation est souvent un gage de continuité du service public. Un acheteur public performant est un apporteur de solutions, y compris celles auxquelles le client interne n’avait pas pensé ! La fonction achats doit alors nouer des partenariats forts avec les autres Directions support de l’organisation (Finances, Contrôle de gestion, RH,…) pour disposer des informations nécessaires à l’atteinte de cet objectif. Il est aussi important, notamment pour les procédures adaptées, de ne pas créer des « usines à gaz », coûteuses et chronophages pour l’organisation comme pour ses fournisseurs.
  3. La prise en compte réelle du développement durable : l’organisation ambitionne de dépasser son intérêt propre pour contribuer positivement à l’ensemble d’une communauté ou d’un territoire (qui peuvent aller jusqu’à l’humanité et la planète) en élargissant la performance de sa fonction Achats à l’atteinte d’objectifs économiques, environnementaux et sociaux.
    C’est ainsi qu’elle va être attentive à la part de commande publique attribuée à des PME/PMI par exemple, à l’intégration des personnes handicapées ou éloignées de l’emploi, à la part de denrées alimentaires bio dans les repas des cantines scolaires, à l’énergie consommée en qualité et en quantité, au soutien à l’innovation…

Au final, une véritable politique d’achats, composée d’objectifs et d’indicateurs, et qui pourra ensuite être déclinée au sein de l’ensemble de l’organisation.

ACP FORMATION : Comment mettre en œuvre cette politique achats ? Par le développement d’une stratégie d’achat qui permette d’atteindre ces objectifs ?

Christophe CARLES Pas une seule, mais plusieurs : car appliquer une stratégie unique (comme pondérer un critère « développement durable » à un pourcentage fixe de façon systématique) n’engendre généralement pas les résultats escomptés.

Au contraire, les stratégies vont varier, famille d’achat par famille d’achat (ou opération de travaux par opération), en fonction de la nature du besoin, du nombre et du type d’opérateurs économiques susceptibles de le satisfaire sur un territoire donné… et également en fonction du montant.

Imaginons par exemple que, sur un territoire donné, de nombreuses PME/PMI locales peuvent répondre à votre besoin récurrent de 28.000 € HT par an. Plutôt que de réaliser un marché ou un accord-cadre d’une durée de 4 ans, qui vous oblige à une publicité nationale au BOAMP, vous pouvez stratégiquement décider de réduire la durée à 3 ans et rester en-dessous du seuil des 90.000 € HT, donc éviter une publicité nationale. Vous réduirez le potentiel d’économies de gestion (votre prochaine remise en concurrence arrive un an plus tôt), mais vous augmentez les chances de conserver de l’activité économique sur votre territoire, donc de l’emploi. Toutefois, le recours obligatoire aux profils d’acheteurs avec l’obligation de dématérialisation rendra bientôt cette technique peu opérante : les stratégies doivent donc être révisées régulièrement en fonction des changements de réglementation ou des modifications subies par un secteur économique.

Plus généralement, l’atteinte de ces objectifs, et donc la performance globale de l’achat public, repose plus sur l’investissement en temps dans les étapes amont de l’achat (et en particulier la connaissance des produits et des fournisseurs) que dans l’absolue maîtrise des règles de mise en concurrence. D’où l’importance d’un dialogue ouvert et total avec les clients internes (et le soutien fort des Directions générales), des échanges préalables de qualité entre l’acheteur et les opérateurs économiques, la recherche de relations gagnant – gagnant permise par une véritable négociation, mais aussi une meilleure formation des entreprises à la commande publique.

 

Pour aller plus loin, nous vous invitons à suivre notre formation « Organiser un service achats publics et le rendre performant » du 11 au 13 décembre 2017 ou « 20 leviers pour des achats performants » les 14 et 15 décembre 2017 à Paris.

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