Formation des élus locaux et mal-être des maires

Formation des élus locaux et mal-être des maires

À l’heure de la suppression de la taxe d’habitation et de sa substitution par le transfert de la fraction départementale du foncier bâti aux communes (les intercommunalités devant, quant à elles, percevoir en compensation une partie de la TVA, art. 5 de la loi de Finances pour 2020) qui risque de créer des incertitudes quant à l’enveloppe des recettes futures des communes, l’adoption récente par le Sénat de la loi Engagement et Proximité transmise à l’Assemblée nationale le 23 octobre dernier vient considérablement renforcer, sur le principe, les dispositifs de formation des élus locaux.

De manière concrète, des ordonnances devraient être prises après la promulgation de la loi par le gouvernement pour détailler les modalités de mise en oeuvre. Dans une précédente lettre du 15 juillet 2015, nous parlions du statut implicite d’élu-manager, dans la mesure où la loi du 31 mars 2015 imposait des formations obligatoires dans les communes et EPCI de plus de 3 500 habitants pour les détenteurs d’une délégation (adjoints au maire et conseillers délégués). Depuis le « DIF-élus » instauré en 2016 qui s’ajoute aux crédits des collectivités (dépense obligatoire), l’art. 31 de la loi Engagement et Proximité vient modifier en profondeur le droit à la formation des élus afin de répondre à la détresse de certains édiles et leur manque d’accompagnement par les services de l’état.

Tout d’abord, le « DIF-élus » va être remplacé par le CPF (Compte Personnel de Formation) toujours géré par la Caisse des Dépôts (a priori à partir de 2021). Plutôt que de se voir abondé 20 heures/an, la monétisation du CPF risque de faire peser sur le dos des élus des crédits insuffisants (le taux de transformation des heures DIF n’étant pas connu à ce jour).

Néanmoins, nous espérons que la volonté du gouvernement de « faire avancer les choses en la matière » ne saurait être pénalisante pour les 500 000 élus locaux. Les délais d’instruction devraient être raccourcis pour assurer une prise en charge instantanée des dépenses de formation.

Ensuite, l’art. 31 bis modifie de manière substantielle l’art. L. 2123-12 du code général des collectivités territoriales dans la mesure où dès les 15 et 22 mars prochain, la formation deviendra obligatoire dans les toutes les communes de France. En effet, le seuil des 3 500 habitants et plus a été abaissé au premier habitant. Ainsi, dans toutes les municipalités et villages de France dans lesquels on demande aux élus d’être hyper-spécialistes de tout (finances, urbanisme, commande publique…) qui disposent de personnels encadrants réduits (pas de directeur de cabinet, pas de DGS, pas de secrétaire général), le dispositif « régalien » du droit à être formé va enfin leur devenir accessible. Une excellent nouvelle !

À noter qu’il est envisagé de rendre obligatoire une journée de formation en « finances locales/budget » aux nouveaux conseillers. Quoi de mieux pour sensibiliser ces élus engagés souvent bénévoles à tous ces aspects techniques transversaux qui représentent souvent la clef de voûte de la gestion d’un mandat municipal réussi au service de l’intérêt général.

Attention, dans le cadre de la Commission des lois de l’Assemblée (vote prévu le 18 novembre), les députés ont supprimé l’extension de l’obligation d’organisation d’une formation durant la première année de mandat pour les élus de toutes communes ayant reçu une délégation (et plus seulement aux communes de plus de 3 500 habitants). L’exposé des motifs de l’amendement CL798 du Gouvernement indique : « Cette mesure impose une charge excessive aux petites communes si elle n’est pas complétée par des mesures d’accompagnement ou de péréquation. Elle constitue donc une réelle contrainte supplémentaire pour ces communes, à rebours des objectifs de la présente loi. Par ailleurs, le dispositif de formation des élus fera l’objet d’une rénovation en profondeur par voie d’ordonnance, comme prévu par l’habilitation à l’article 31, et prendra en compte cette question de la formation lors de la première année de prise de fonction. »

Rendez-vous en 2020 !

François Aubert
Professeur des Universités en comptabilité financière, Université d’Auvergne – École Universitaire de Management
Consultant en finances locales | Détenteur de l’agrément ministériel permettant de délivrer des formations aux élus locaux