Comment « limiter » les délais de recours contentieux ?

limiter les délais de recours contentieux

Les opérationnels ne connaissent que rarement certains outils juridiques leur permettant de sécuriser leurs procédures de passation et en particulier, en « fin de course ! »

Pourtant depuis longtemps, les différentes réglementations en matière de commande publique leur ouvrent des portes en ce sens. Mais ce ne sont pas « portes ouvertes par défaut » : il faut les actionner ou les « déverrouiller » par des actes positifs pour en tirer le bénéfice !

En voici donc deux exemples significatifs, s’agissant de la « procédure adaptée », c’est-à-dire celle à laquelle l’acheteur public peut recourir dans les conditions fixées par la Code de la commande publique (voir l’article L.2123-1 du code) :

1) Dans ce cadre, il est tout d’abord possible à l’acheteur « d’éteindre » la possibilité pour un candidat évincé d’engager un référé précontractuel
(voir articles L.551-1 à 4 du Code de justice administrative).

Ce type de recours est ouvert depuis la date d’émission du courriel jusqu’à la date de signature du contrat (nous parlons de « courriel » et non plus de  « courrier » puisque depuis le premier avril 2018, tous les échanges entre acheteurs et candidats doivent passer via une plate-forme dématérialisée – les échanges par e-mail interposés n’ayant pas force de preuve juridique).

Ce délai est dénommé au niveau européen « délai de stand still » (message quasi « subliminal » adressé aux acheteurs, puisque sa traduction littérale est « restez tranquille », voire « attendez et soyez sage… »). Il est réglementé concernant les procédures formalisées – celles qui sont donc d’application obligatoire pour les prestations dont le montant estimé HT est supérieur aux seuils déterminés par l’Union européenne, selon le type de prestation concernée (voir en ce sens les tableaux actualisés de la DAJ).

Ce délai est de Onze jours francs – l’horodatage des plates-formes de dématérialisation permettant à présent de prouver sans aléa le respect de ce délai.

Cependant, concernant spécifiquement les procédures adaptées, donc dont le montant évalué HT est inférieur aux seuils européens, le juge a récemment spécifié que ni les textes ni les principes généraux n’obligent l’acheteur au respect d’un délai raisonnable entre la notification des rejets et la signature du marché (arrêt du conseil d’Etat du 31 octobre 2017 « Société MB Terrassements Bâtiments »).

Si donc l’acheteur décide de ne pas prévoir de délai, il a la possibilité de signer le marché le même jour que l’envoi des courriers et donc, de neutraliser toute possibilité de référé précontractuel.

Précisions :

– Quand bien même ce principe a été « entériné » par le conseil d’Etat lui-même, sur la base d’une absence de dispositions réglementaires, il reste néanmoins recommandé d’instaurer un délai « adapté » en fonction de l’objet et du montant du marché à passer.

– Et… il reste l’hypothèse dans laquelle le process de validation de la décision d’attribution, au sein même de la structure de l’acheteur, est « lourd » et consommateur de temps (passage des documents d’un service à un autre…). Dans ces conditions, il n’est pas toujours possible de faire coïncider les deux dates susmentionnées : tant que l’acheteur n’aura pas signé le marché, le délai de « stand still » autorisant le référé précontractuel courra ! Ce n’est pas un cas simple d’école – Exemple d’un marché signé plus de trois après l’envoi des courriers de rejet des offres (CE 12 juillet 2017 Société Etudes Créations et Informatique).

2) Toujours dans le cadre d’une procédure adaptée, il est également envisageable pour l’acheteur, s’il décide de s’en donner les moyens,  de limiter le risque cette fois-ci, d’avoir à gérer les effets d’un référé contractuel
(voir article L.551-13 du code de Justice administrative).

Le référé contractuel peut être exercé dans un délai de :

  • 31 jours, à compter de la publication d’un avis d’attribution du contrat au Journal Officiel de l’Union européenne (JOUE) ;
  • 6 mois, à compter du lendemain du jour de la conclusion du contrat, si aucun avis d’attribution n’a été publié ou si aucune notification de la conclusion du contrat n’a été effectuée.

L’acheteur, en procédure formalisée, a donc tout intérêt à publier un avis d’attribution, le plus rapidement possible après la notification du contrat.

Mais en procédure adaptée, le délai pour exercer un référé contractuel par un candidat évincé peut être réduit à la double condition d’avoir :

Il reste que dans chaque cas de figure, l’acheteur sache ou puisse mobiliser ses services pour activer les outils propres à protéger ses marchés !

Mathieu Blossier
Juriste – Ile-de-France Construction Durable

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