Contrats publics et Covid-19 : point sur l’ordonnance adaptant le Code de la commande publique

L’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 est intervenue, en urgence, pour adapter – et surtout assouplir – les règles applicables aux contrats de la commande publique pendant la crise sanitaire. L’objectif de ce texte est de ne pas pénaliser les opérateurs économiques tout en permettant de garantir la continuité́ de la commande publique durant cette période troublée.

Matthieu Kluczynski répond à nos questions sur le sujet. Il animera un webinar gratuit de 30 minutes sur cette même problématique le jeudi 2 avril 2020 à 14h00. Vous pouvez vous y inscrire en cliquant sur ce lien.

Matthieu Kluczynski,

Avocat associé

Cabinet MCH Avocats

Quels contrats sont concernés par cette ordonnance adaptant le droit de la commande publique ? 

Le premier réflexe est effectivement de prêter attention au champ d’application de ce texte. Les dispositions de l’ordonnance sont applicables :

  • aux contrats publics  en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 pour une durée de 2 mois, augmentée d’une durée de deux mois.
  • et ce uniquement dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l’exécution de ces contrats, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

Il est donc primordial de veiller à l’existence d’un lien de causalité entre les mesures prises sur la base de cette ordonnance et le Covid-19. Ainsi, une modification contractuelle prise sur la base de ce texte, alors que le motif réel n’est pas lié à la crise sanitaire, pourrait occasionner l’illégalité de la mesure adoptée. Il s’agit là d’un premier paramètre à l’interprétation délicate.

Quelles sont les règles impactant la passation des contrats publics ? 

En premier lieu, le texte prévoit de faciliter la candidature des entreprises à l’attribution des contrats pour lesquels une procédure de passation a d’ores et déjà été engagée. Pour ces consultations, les acheteurs peuvent prolonger les délais de réception des offres afin d’accorder un délai suffisant aux candidats. Il reste toutefois possible de conserver les délais de la consultation et de ne pas opter pour la prolongation lorsque les prestations objet du contrat ne peuvent souffrir aucun retard. Là encore, l’interprétation de cette notion ne sera pas des plus simples.

En second lieu, le texte prévoit la possibilité d’aménager en cours de procédure les modalités de la mise en concurrence mentionnées dans les documents de la consultation des entreprises dans l’hypothèse où ces prescriptions ne pourraient pas être respectées par l’autorité contractante. L’on pense évidemment au cas de la visite des installations ou à l’organisation des négociations. Toutefois, les modifications devront être respectueuses de l’égalité de traitement des candidats et de la transparence de la procédure.

Quelles sont les règles impactant l’exécution des contrats publics ? 

Tout d’abord, afin de pallier les difficultés susceptibles d’être rencontrées par les opérateurs économiques dans l’exécution des marchés et d’éviter toute rupture d’approvisionnement, les marchés publics qui arrivent à terme pendant la période de crise peuvent être prolongés par les parties. Cependant, la durée de cette prolongation ne devra pas excéder la période dite de crise (état d’urgence sanitaire + 2 mois), augmentée de la durée nécessaire à la remise en concurrence à l’issue de son expiration. Ensuite, l’ordonnance prévoit que les acheteurs ont la possibilité de s’approvisionner auprès de tiers, dans le cadre de marchés de substitution, sous réserve de l’existence de clauses d’exclusivité.

Enfin, si les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ont entraîné l’annulation d’un bon de commande ou la résiliation du marché, l’acheteur devra indemniser le titulaire des dépenses engagées et directement imputables à l’exécution du bon de commande ou du marché en cause.

A titre complémentaire, les règles d’exécution financières peuvent être assouplies, notamment en permettant aux acheteurs de verser des avances d’un montant supérieur au taux maximal de 60 % prévu par le Code de la commande publique.

Qu’en est-il s’agissant des pénalités contractuelles ?

Répondant à une attente forte des acteurs privés, le texte est soucieux de ne pas pénaliser les entreprises qui ne pourraient pas exécuter leurs contrats en raison de l’épidémie.

Ainsi, ces titulaires ne seront pas sanctionnés, notamment par des pénalités contractuelles et ne verront pas leurs responsabilités engagées dès lors qu’ils ne pouvaient pas mettre en œuvre des moyens suffisants ou sans une charge excessive.

Le curseur n’étant pas clairement situé, les acheteurs devront aviser au cas par cas de chaque situation.

Quelles sont les conséquences de la suspension des contrats publics pendant cette période ? 

Distinguons le cas des marchés publics et des concessions.

En marché public, la suspension doit conduire sans délai au règlement du marché selon les modalités et pour les montants prévus par le contrat. Une fois la suspension levée, les parties devront conclure un avenant pour identifier les ajustements financiers ainsi que les modifications qu’il conviendra d’apporter au contrat, sauf s’il est envisagé sa reprise à l’identique ou sa résiliation.

En concession, une avance sur le versement des sommes dues par le concédant peut être versée au concessionnaire, sous réserve que cela soit justifié par la situation de l’opérateur économique et déterminé à la hauteur de ses besoins.

Et si le contrat de concession n’est pas suspendu ?

Si, le contrat n’est pas suspendu mais que l’épidémie impose de modifier significativement les modalités d’exécution prévues au contrat, le concessionnaire pourra solliciter le versement d’une indemnité destinée à compenser le surcoût suscité par ces moyens supplémentaires non prévus au contrat initial et qui représenteraient une charge manifestement excessive au regard de sa situation financière.

Si ces dispositions sont louables au regard de l’urgence de la situation et des craintes des acteurs publics et privés, leur application concrète ne sera pas sans poser des difficultés d’analyse et d’interprétation.

 

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