Commande publique : les actualités de la fin d’année…pour démarrer 2020 du bon pied !

Saisir le juge du référé mesures-utiles pour faire respecter les obligations contractuelles

A croire que cela va devenir une tradition : les fêtes de fin d’année s’avèrent souvent chargées en actualités en droit de la commande publique. Entre réformes d’envergure, textes sectoriels et légères modifications envisagées de manière incidente par un texte plus global, il n’est pas forcément aisé d’y voir clair.

Me Matthieu Kluczynski, avocat associé du cabinet MCH Avocats, répond à nos questions pour découvrir le florilège des nouveautés, afin de ne rien oublier et commencer l’année du bon pied.

Quel est selon vous le changement le plus important de cette fin d’année ?

Me Kluczynski : Il s’agit sans nul doute du rehaussement du seuil des marchés publics sans formalités préalables précédemment fixé à 25 000 € HT et qui, depuis le 1er janvier 2020, est à 40 000 € HT. Le projet de décret, connu depuis plusieurs mois et commenté sur votre blog, est paru le 13 décembre dernier.

Son principal objectif est d’alléger pour les « petites » collectivités territoriales les formalités relatives à la passation d’un marché public pour faciliter la prise de décision au niveau local avec des contraintes administratives drastiquement réduites. Il n’en demeure pas moins que les acheteurs devront mettre à dispositions les données essentielles de ces marchés sur leur profil acheteur ou publier la liste de ces marchés.

Est-ce le seul apport de ce texte ?

Me Kluczynski : Non, ce décret poursuit également le processus de revalorisation des avances pour permettre l’accès des PME aux marchés publics. Depuis le 1er janvier 2019, les avances versées aux PME des marchés publics de l’Etat sont fixées à 20% du montant du marché.

A compter du 1er janvier 2020, cette mesure est étendue aux acheteurs locaux et aux établissements publics de l’État (hors hôpitaux publics) dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d’euros par an : le montant minimum des avances versées aux PME, actuellement de 5 %, sera doublé pour atteindre 10% du montant du marché.

Outre ce texte spécifique, d’autres textes ont-ils été adoptés ?

Me Kluczynski : Tout à fait, la loi n°2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, publiée au Journal officiel du 28 décembre 2019, comporte plusieurs dispositions impactant le droit de la commande publique.

Deux ajustements doivent notamment être relevés : l’un concernant les Commissions DSP, l’autre concernant le groupement de commande.

En quoi la loi « engagement et proximité » a modifié l’organisation des commissions DSP ?

Me Kluczynski : Selon l’article 65, II, 2° de la loi, il n’est plus indiqué que la Commission ouvre les plis mais qu’elle analyse les dossiers de candidature. Il s’agit là d’une clarification utile puisque le texte ne parlait alors que « d’ouverture » et non « d’analyse » même des candidatures, ce qui pouvait susciter la confusion.

A noter que ce même article ajoute un III à l’article L. 1411-5 du CGCT, afin de permettre l’organisation des délibérations à distance, au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuel,  ou encore par tout procédé assurant l’échange d’écrits transmis par voie électronique permettant un dialogue en ligne ou par messagerie (V. l’ordonnance n°2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial).

Quel est l’impact de cette même loi sur le groupement de commandes ?

Me Kluczynski : En second lieu, l’article 65 III de cette loi insère un nouvel article L.5211-4-4 au CGCT pour étendre les missions d’un groupement de commandes et, à cet effet, favoriser le rapprochement entre les collectivités territoriales. Il est ainsi prévu que lorsqu’un groupement de commandes est constitué entre des communes membres d’un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou entre ces communes et cet établissement public, les communes peuvent confier à titre gratuit à cet établissement public, par convention, si les statuts de l’établissement public le prévoient expressément, indépendamment des fonctions de coordonnateur du groupement de commandes et quelles que soient les compétences qui lui ont été transférées, la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l’exécution d’un ou de plusieurs marchés publics au nom et pour le compte des membres du groupement.

Cet article permet ainsi une forme de mutualisation du service achat au niveau de l’établissement public, au-delà de sa mission de coordonnateur de la commande et indépendamment des compétences dont il bénéficie, ce qui confère à cette possibilité une portée extrêmement large.

Les acheteurs ne manqueront pas de s’intéresser à cette possibilité qui fluidifie encore davantage l’intervention des services achats de certains EPCI au profit de communes membres.

2020 accueille également de nouveaux acheteurs, n’est-ce pas ?

Me Kluczynski : En effet, le décret n° 2019-1529 du 30 décembre 2019 relatif aux marchés passés par les conseils nationaux des ordres des professions de santé fixe les règles applicables à la passation et l’exécution des marchés des ordres des professions médicales, pharmaceutiques et paramédicales.

Ils seront ainsi soumis au Code de la commande publique par renvoi des dispositions du Code de la santé publique.

Et du point de vue des organismes privées, faut-il noter une nouveauté ?  

 Me Kluczynski : Le décret n°2019-1502 du 30 décembre 2019 a en effet introduit dans le Code de justice administrative (CJA) l’article R.557-3. Le juge des référés peut ainsi intervenir pour prescrire toute mesure provisoire et conservatoire, y compris sous astreinte, afin de prévenir une atteinte imminente ou faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires.

Ce texte reprend ainsi l’article R. 152-1 du Code du Commerce introduit par la loi du 11 décembre 2018 en lien avec la loi n°2018-670 du 30 juillet 2018 sur le secret des affaires.  Pour mémoire, ces textes substituent la notion de « secret des affaires » à celle de « secret industriel et commercial ».

Concrètement, dans le cadre de la passation ou de l’exécution d’un marché public, une entreprise candidate pourrait ainsi saisir le juge administratif pour interdire l’éventuelle divulgation d’un secret des affaires, comme le détail technique de son offre ou encore le montant global ou du prix détaillé des offres.

 

Pour en savoir plus, vous pouvez suivre nos formations L’actualité des marchés publics et L’essentiel de l’actualité des marchés publics en un jour