Trois clarifications bienvenues du Conseil d’Etat sur le droit au paiement direct des sous-traitants

Par deux arrêts rendus le 17 octobre 2023, le Conseil d’Etat a apporté des précisions quant à la recevabilité des demandes de paiement direct des sous-traitants par le titulaire et le maître d’ouvrage.

Pour rappel, aux termes de l’article 6 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance « Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l’ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l’exécution (…) ».

Les arrêts susvisés apportent un éclairage sur le régime applicable en la matière et notamment les obstacles pouvant s’ériger entre la demande du sous-traitant régulièrement accepté et agréé et le paiement direct par le maître d’ouvrage.

Dans la première affaire (CE, 17 octobre 2023, Commune de Viry-Châtillon, req. n°465913), concernant  un marché public de travaux confié par la Commune de Viry-Châtillon, la société Maugin s’était vu confier par le titulaire du marché la réalisation de prestations de menuiserie, après avoir été acceptée et agréée par la commune.

 

Précision n°1 : Attention à la qualification des prestations

Le Conseil d’Etat rappelle les conséquences de la détermination préalable de la qualification des prestations exécutées dans le marché.

D’une part, le droit au paiement direct n’est admis que pour les prestations relevant du champ de la loi de 1975 en son article 1er, à savoir des prestations en lien avec l’exécution du marché et non de « simples fournitures » (CE, 26 septembre 2007, Département du Gard, req. n°255993).

Il est ainsi précisé que « Des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d’un marché déterminé ne peuvent être regardés, pour l’application de ces dispositions, comme de simples fournitures ».

En l’espèce, la société Maugin avait fourni des menuiseries présentant des spécifications techniques déterminées conformément au cahier des clauses techniques particulières, fabriquées spécialement pour les besoins du marché et était intervenue sur le chantier pour participer à leur pose. La société n’était donc pas un fournisseur, mais bien un sous-traitant bénéficiant du droit au paiement direct.

 

Précision n°2 : Le délai de 15 jours pour refuser la demande de paiement direct est impératif  

D’autre part, selon l’article 8 de la loi de 1975, la demande de paiement direct du sous-traitant ne peut être refusée qu’en cas de refus motivé exprimé dans les 15 jours à compter de la demande.

Dans l’affaire précitée, le Conseil d’Etat considère que le refus exprimé par l’entrepreneur après l’expiration du délai de 15 jours ne constitue pas un refus motivé faisant obstacle au droit au paiement direct.

Partant, le titulaire était réputé avoir définitivement accepté la demande de paiement de la société Maugin et la commune n’était pas fondée à s’opposer à la demande de paiement du sous-traitant.

Ainsi, le délai fixé par la loi est impératif dès lors que le titulaire a été en mesure de refuser explicitement la demande du sous-traitant en temps utile.

  1. Dans la seconde affaire (CE, 17 octobre 2023, SIEL Territoire d’énergie Loire, req. n°469071), la société NGE Infranet acceptée et agréée en qualité de sous-traitant d’un marché public de travaux s’était vu opposer un refus par le mandataire du groupement titulaire du marché lors de sa demande de paiement direct.

 

Précision n°3 : Le refus explicite de l’entrepreneur dans le délai s’impose au maître d’ouvrage

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat rappelle les étapes de la procédure de demande de paiement direct par un sous-traitant ainsi que l’objectif s’y rattachant.

Dès lors, cette procédure vise à permettre au titulaire de contrôler la situation du sous-traitant et constitue une garantie pour le maître d’ouvrage, sans pour autant porter atteinte au droit au paiement direct du sous-traitant en cas d’inertie du titulaire.

Toutefois, en l’espèce, le titulaire avait refusé de manière expresse et motivée de faire droit à cette demande de paiement dans le délai imparti. Dans ces circonstances, le SIEL Territoire d’énergie Loire était fondé à refuser la demande de paiement direct du sous-traitant.

Il en résulte que le droit au paiement direct des sous-traitants n’est pas absolu et reste conditionné d’une part, au champ d’application de la loi de 1975 ; et d’autre part, au strict respect de la procédure au titre duquel le maître d’ouvrage et le titulaire du marché doivent être vigilants.

Matthieu Kluczynski, Avocat Associé, ADMYS Avocats

Article corédigé par Lucie Fund, consultante juriste

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