Les ajustements apportés par l’ordonnance du 22 avril 2020 concernant les impacts du Covid-19 sur les contrats publics

Depuis le 25 mars, pas moins de 46 ordonnances ont été adoptées, sur le fondement de la loi d’urgence sanitaire du 23 mars, afin d’affronter les conséquences de la pandémie du Covid-19.

Concernant spécifiquement le cas des contrats publics, l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 a adapté les règles applicables aux contrats de la commande publique pendant la crise sanitaire avec le double objectif de ne pas pénaliser les opérateurs économiques tout en permettant de garantir la continuité de la commande publique.

Ce texte a été réajusté par une nouvelle ordonnance du 22 avril dernier portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de Covid-19, texte « fourre-tout » dont l’objectif est de toiletter de nombreuses ordonnances la précédant.

Matthieu Kluczynski, associé du cabinet MCH Avocats, qui avait déjà répondu à nos questions concernant l’ordonnance du 25 mars dernier (cliquez sur le lien pour lire l’article), nous apporte des éclaircissements sur ces nouveaux dispositifs.

 

Matthieu Kluczynski,
Avocat associé
Cabinet MCH Avocats

 

Quel est l’objectif de cette nouvelle ordonnance du 22 avril 2020 ?

Les ajustements proposés par l’ordonnance du 22 avril 2020 aux règles impactant les contrats publics visent à répondre à un constat récurrent dans le secteur public.

De nombreux opérateurs économiques voient leur activité gravement freinée en raison de l’épidémie et des mesures de confinement qui l’accompagnent, et ne peuvent plus faire face à leurs obligations contractuelles, notamment financières.

Le texte propose trois mesures – entre adaptation et complément – visant à accompagner la trésorerie de ses entreprises en situation délicate.

Quel article de l’ordonnance du 25 mars 2020 est modifié ? 

En premier lieu, l’article 6, 5° de l’ordonnance du 25 mars 2020 précitée est intégralement retravaillé afin d’intégrer dans son champ une hypothèse qui n’était pas explicitement prise en compte et qui génère depuis quelques semaines des tensions entre les personnes publiques et leurs entreprises partenaires.

En effet, si l’exécution d’un contrat de concession ne peut plus être assurée, non pas en raison d’une décision de l’autorité concédante mais, plus globalement, du fait des mesures de police administrative adoptées, quelles sont les conséquences pour les parties ?

L’ordonnance du 22 avril 2020 prévoit que, dans ce cas également (et non plus seulement lorsque le concédant suspend lui-même le contrat), tout versement d’une somme au concédant est suspendu. En outre, si la situation de l’opérateur économique le justifie et à hauteur de ses besoins, une avance sur le versement des sommes dues par le concédant peut lui être versée.

En outre, la modification porte également sur la gestion des conséquences de la suspension.  Comme l’on pouvait s’y attendre (était-ce la peine de l’écrire ?) à l’issue de cette suspension, un avenant détermine, le cas échéant, les modifications du contrat apparues nécessaires.

Quel ajout est apporté concernant l’occupation du domaine public ?

En deuxième lieu, un article 6, 7° est ajouté concernant le cas des contrats portant occupation du domaine public. En effet, nombreuses sont les entreprises dont l’activité économique dépend, en tout ou partie, de l’occupation du domaine public. On pense notamment aux terrasses des restaurants dont les activités interviennent sur la base d’une convention d’occupation du domaine public (COT) et qui à ce titre doivent reverser à la collectivité gestionnaire une redevance d’occupation domaniale.

Mais il peut également s’agir de titulaire d’une convention de délégation de service public comportant, en son sein, l’obligation de payer une telle redevance d’occupation, comme pour un centre aquatique ou de loisirs. Là encore, les mesures de confinement conduisent à une réduction drastique voir totale de leur activité dans la mesure où ces entreprises ne sont plus en mesure d’exploiter le domaine public confié.

Pour ces entreprises dont l’activité dépend de l’occupation du domaine public, si les conditions d’exploitation de l’activité de l’occupant sont dégradées dans des proportions manifestement excessives au regard de sa situation financière, le paiement des redevances dues pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public est suspendu. La durée est toutefois limitée à la période de la crise sanitaire telle que définie à l’article 1er de l’ordonnance du 25 mars.

Selon le potentiel de reprise d’activité à l’issue de cette suspension, un avenant pourra déterminer, le cas échéant, les modifications qui semblent nécessaires, notamment pour rétablir l’équilibre contractuel.

Il y a-t-il des ajustements concernant les commissions ?

En troisième et dernier lieu, l’ordonnance prévoit une mesure répondant à des considérations pragmatiques inhérentes aux mesures de confinement : les personnes publiques ont des difficultés pour réunir la Commission d’appel d’offres (CAO) ou la commission de délégation de service public (CDSP), ce qui ralentit considérablement la procédure d’établissement des avenants aux contrats en cours.

L’ordonnance du 22 avril 2020 introduit plus de souplesse avec un nouvel article 6-1 afin de déroger aux articles L. 1411-6 et L. 1414-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT).  Ainsi, les projets d’avenants aux conventions de délégation de service public et aux marchés publics entraînant une augmentation du montant global supérieure à 5% sont dispensés de l’avis préalable de ces commissions.

Il ne fait guère de doute que ce texte du 22 avril 2020 ne sera pas le dernier à revenir sur les règles visant à adapter les contrats publics à la situation actuelle.

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