PNAD 2022-2025, décret d’application de la loi Climat : l’actualité du développement durable dans la commande publique

Le développement durable dans la commande publique

Le verdissement de la commande publique vient de connaître une forte accélération au premier semestre 2022 avec deux nouveautés majeures : la sortie du Plan National pour des Achats Durables (PNAD) 2022-2025 et celle du décret d’application de la loi « Climat et résilience ». Pour vous aider à comprendre comment ces nouveaux textes vont impacter vos pratiques, vous pouvez suivre la formation Intégrer le développement durable dans les marchés publics.
En parallèle, nous avons demandé aux associés du cabinet ADMYS Avocats de répondre à nos questions.

ACP Formation : Qu’est-ce que le PNAD ?

Matthieu KLUCZYNSKI – Associé du cabinet ADMYS Avocats : Lundi 14 mars a été dévoilé le nouveau « Plan National pour des Achats Durables » ou « PNAD » pour la période 2022-2025. Comme l’a annoncé le Commissaire général au développement durable, ce document constitue la feuille de route de l’Etat pour développer l’achat durable. L’objectif est d’étendre de manière massive et généralisée les considérations environnementales et sociale dans l’ensemble de l’achat public.
Ce document n’est pas nouveau, deux plans avaient déjà été élaborés sur des périodes précédentes, mais ils étaient largement méconnus ou même ignorés par les acheteurs. Ces documents comportaient de grandes orientations, mais un faible niveau d’encadrement et de gouvernance pour décliner leurs mises en œuvre.
Le nouveau plan se veut plus ambitieux, avec une démultiplication des axes d’action, le développement de la sensibilisation des acteurs locaux et la communication sur les bonnes pratiques en prônant la stimulation par l’exemplarité. Ce plan incite encore à l’évaluation régulière des moyens mis en œuvre pour promouvoir la commande publique durable.

Quels sont les axes envisagés par le PNAD ?

Matthieu KLUCZYNSKI : Ce document propose 22 actions à mettre en œuvre par les acheteurs, organisées autour de 6 axes principaux :

  • élaborer et diffuser des outils et accompagner les acheteurs
  • mobiliser le levier de la formation
  • agir auprès des décideurs
  • animer les réseaux d’acheteurs
  • promouvoir les achats durables
  • suivre l’exécution du plan

Il faut relever que chaque action précise l’entité qui pilote l’action, les livrables à venir et le calendrier de mise en œuvre envisagé.
On remarque ainsi que la stratégie proposée ne concerne pas uniquement les pratiques à mobiliser dans le cadre de la rédaction des marchés. L’objectif est de changer la manière dont les acheteurs envisagent leurs achats, que ce soit au niveau des services achats comme des représentant des acheteurs (élus locaux, directeurs selon les types de structures).
Il faut certes reconnaitre que plusieurs de ces 22 actions sont très similaires ou constituent la même ambition présentée de plusieurs manières différentes. Cependant, des outils clairs se démarquent. Tel est le cas du site RAPIDD (le Réseau des administrations publiques intégrant le développement durable) qui, aujourd’hui, constitue davantage une plateforme d’échanges pour les acheteurs publics mais qui a vocation, avec ce PNAD, à évoluer pour mutualiser les outils en place favorisant les clauses sociales et environnementales. Le PNAD entend ainsi développer, promouvoir et généraliser ce « réseau » en synergie avec les autres réseaux existants, et même proposer un clausier, très attendu par les acheteurs.
On relèvera également l’intérêt porté au facilitateur. Déjà présent sur le secteur social, il a vocation à se développer pour assurer une meilleure couverture territoriale avec l’élaboration d’un cadre de référence commun. Mais il est aussi envisagé le déploiement de facilitateurs environnementaux pour les achats publics.

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Quelle est la valeur juridique de ce document ?

Matthieu KLUCZYNSKI : Ce plan n’a pas de valeur juridique à proprement parler, il s’agit d’une feuille de route qui n’est donc pas contraignante pour les acheteurs. Cependant, ce plan s’insère dans un cadre juridique aujourd’hui en pleine évolution, notamment avec la loi Climat et résilience du 22 août 2022 et son décret d’application du 2 mai 2022.
Cette loi prévoit la présence obligatoire de considérations environnementales, sous forme de clauses ou de critères, dans les contrats de la commande publique, au plus tard en 2026. Ce plan permet ainsi une montée en puissance des acteurs, de manière progressive au cours des 5 prochaines années, pour intégrer et systématiser la prise en compte du développement durable dans leurs pratiques.
Ce plan est également à distinguer du SPASER (Schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables) sur lequel il s’appuie largement. Le SPASER est un document que doivent obligatoirement adopter les acheteurs soumis au CCP ayant un volume annuel d’achats supérieur à 100 millions d’euros, seuil abaissé à 50 millions d’euros depuis le décret du 2 mai 2022, afin d’élaborer localement un plan stratégique pour les achats durables, propre à l’acheteur.
Entre feuille de route, texte législatif, texte réglementaire en préparation, et schéma à adopter, les acheteurs disposent de plus en plus de clés pour acheter durable !

Pourquoi le décret d’application de la loi « Climat et résilience », portant diverses modifications du Code de la commande publique, était-il tant attendu ?

Maëlle COMTE – Maître de conférences en droit public -Avocat associé ADMYS Avocats
Mélanie HAMON – Avocat associé ADMYS Avocats – Spécialiste en droit public
Avec la collaboration de Quentin CLEMENT, élève-avocat ADMYS Avocats
Après l’entrée en vigueur de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, la publication de son décret d’application était attendue par l’ensemble des acteurs de la commande publique tant les enjeux législatifs étaient forts. L’article 35 de la loi avait suscité de nombreuses interrogations quant aux modalités précises de mise en œuvre du « verdissement » de la commande publique.
C’est désormais chose faite.

Quels sont les apports de ce décret d’application ?

Maëlle COMTE et Mélanie HAMON : Cinq mesures principales sont issues de ce décret.

  • L’article 1er du décret vient modifier l’article D. 2111-3 du Code de la commande publique en abaissant de 100 à 50 millions d’euros le montant des achats annuels à partir duquel l’élaboration d’un Schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (SPASER) est obligatoire.
  • Le décret met fin au critère unique fondé sur le prix. La prise en compte des caractéristiques environnementales d’une offre sera obligatoire à compter du 21 août 2026.
  • L’article R. 3131-3 du CCP est modifié. Désormais, les concessionnaires devront décrire dans leur rapport annuel, les mesures qu’ils auront prises et mises en œuvre pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité économique.
  • Le décret vient également préciser les nouvelles modalités de publication des données essentielles de la commande publique sur un portail national de données ouvertes. Cette obligation vise les marchés dont la valeur du besoin est supérieure à 40 000 euros HT. Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur au plus tard le 1er janvier 2024.
  • Les entreprises qui n’ont pas établi un plan de vigilance (article L. 225-102-4 du Code de commerce) pourront être exclues des procédures de passation d’un contrat de la commande publique. Cette nouvelle interdiction de soumissionner a pris effet à compter du 4 mai 2022.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la suppression du critère unique « prix » et l’obligation de prendre en compte les caractéristiques environnementales de l’offre ?

Maëlle COMTE et Mélanie HAMON : Si une seule des mesures du décret du 2 mai dernier devait être retenue, c’est bien celle de la disparition du critère unique « prix » !
Alors que la jurisprudence semblait freiner l’essor de la prise en compte de caractéristiques environnementales et/ou sociales d’une offre (Cf. CE, ordo., 25 mai 2018, Sté Imprimerie Chiffoleau c/ Nantes Métropoles, n° 417580), la loi n° 2021-1104 dite « Climat et résilience » du 22 août 2021 a clairement modifié le paradigme.
En effet, l’article 35 de la loi a modifié les articles L. 2152-7 et L. 3124-5 du CCP qui prévoient désormais qu’« au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre ».
Il résulte du décret d’application que si un seul critère est proposé par les acheteurs publics, il devra obligatoirement porter sur le coût global et prendre en compte les caractéristiques environnementales de l’offre. Ces coûts peuvent, par exemple, se rattacher aux frais de consommation d’énergie ou d’autres ressources, au coût de collecte des déchets et/ou recyclage, ou aux externalités environnementales diverses.
En outre, en cas de pluralité de critères, au moins l’un d’entre eux devra prendre en compte les caractéristiques environnementales de l’offre.
Dans ce cas, le critère environnemental pourra alors porter sur la composition de produits d’entretien, la lutte contre le gaspillage, le recyclage des déchets, les démarches écologiques possibles, les démarches environnementales développées en interne dans l’entreprise ou la qualité et la fréquence du suivi des indicateurs environnementaux.
Une modification semblable de l’article R. 3124-4 du CCP, en ce qui concerne les concessions, est introduite par le décret.

Dès lors, quelles sont les leçons à tirer du décret pour les praticiens du droit de la commande publique ?

Maëlle COMTE et Mélanie HAMON : Ces conséquences sont nombreuses. Toutefois, l’entrée en vigueur différée des dispositions permettra aux collectivités publiques de verdir progressivement leur commande publique.
En ce qui concerne la suppression du critère unique « prix », il est conseillé aux acheteurs publics de lancer un processus de réflexion sur les modalités de prise en compte des caractéristiques environnementales dans leur contrat de la commande publique.
Ils peuvent également de leur plein gré intégrer progressivement un critère environnemental dans chacune de leurs procédures de consultation, avant même la date butoir du 21 août 2026.
En pratique, l’obligation de prévoir un critère à dimension environnementale aura pour conséquence de rééquilibrer le jeu de la concurrence en faveur des entreprises locales qui souffraient jusqu’à présent du dumping social lié au critère unique du prix.
Il est bien entendu toujours interdit pour les acheteurs publics de prévoir un critère géographique dans l’attribution d’un marché public (CJUE, 22 octobre 2015, Grupo Hospitalario Quiron SA, aff. C-552/13) dès lors qu’il méconnaîtrait les principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats (CE, 12 septembre 2018, Sté La Préface, n° 420585).
Toutefois, l’introduction d’un critère environnemental entraînera une nécessaire prise en compte des émissions de gaz à effet de serre, des pollutions ou des performances énergétiques de chaque candidat. Ainsi, les entreprises plus proches géographiquement du besoin devraient proposer des offres plus performantes sur ce futur critère environnemental.
Enfin, il est à noter que ni la loi ni son décret d’application ne viennent imposer de pondération minimale du critère environnemental. Ainsi, aussi obligé soit l’acheteur d’instituer un critère environnemental, il pourra tout de même en décider de son importance en le pondérant à sa guise.
En ce qui concerne l’abaissement du seuil déclenchant l’obligation d’établir un SPASER, la Direction des affaires juridique (DAJ) estime que ce sont désormais 300 collectivités territoriales qui sont concernées, contre 130 auparavant.
Enfin, concernant le recensement économique des marchés publics, l’intervention de l’Observatoire économique de la commande publique permet de supprimer l’obligation de déclaration par les acheteurs eux-mêmes des données de recensement.

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Article écrit en collaboration avec :
Matthieu KLUCZYNSKI – Associé du cabinet ADMYS Avocats
Maelle COMTE – Maître de conférences en droit public – Avocat associé ADMYS Avocats
Mélanie HAMON – Avocat associé ADMYS Avocats – Spécialiste en droit public
Avec la collaboration de Quentin CLEMENT, élève-avocat ADMYS Avocats