Exclusion d’un candidat à un marché public à raison d’agissements passés




Solène PENISSON – Avocate et formatrice « marchés publics »

Les acheteurs sont souvent amenés à se prononcer sur la possibilité d’exclure un candidat à une procédure de passation d’un marché public au motif qu’il aurait manqué à ses obligations lors de précédents marchés.

Cette possibilité, limitée aux trois années antérieures, est expressément prévue par l’article L. 2141-7 du nouveau Code de la commande publique au titre des interdictions de soumissionner facultatives. Les articles suivants prévoient d’autres cas d’interdictions facultatives en cas de tentatives pouvant influencer la passation du marché, d’informations obtenues pouvant distordre la concurrence, de conclusions d’entente pour fausser la concurrence ou encore de conflits d’intérêts.

En plus des interdictions obligatoires (condamnations pénales, non-paiement de cotisations, etc.), les cas d’interdictions de soumissionner facultatives ne signifient pas, comme le rappelle la DAJ de Bercy dans sa fiche sur la présentation des candidatures, que l’acheteur peut choisir de prévoir ou non ces interdictions. Mais, un candidat qui serait dans un tel cas d’interdiction de soumissionner n’est pas automatiquement exclu de la procédure par l’acheteur. Celui-ci doit préalablement l’inviter à présenter ses observations sur les mesures qu’il a prises afin de corriger les manquements qui lui sont reprochés.

Dans un arrêt récent (CE, 24 juin 2019, n°428866, Département des Bouches-du-Rhône), le Conseil d’État a répondu à la question suivante en matière d’interdiction facultative : un candidat ayant tenté d’influencer ou étant dans une situation de conflits d’intérêts lors de procédures de passation de précédents marchés pouvait-il être exclu d’une procédure en cours ? Le juge estime que oui et opère ainsi une lecture dynamique de l’article 48 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 (alors en vigueur). Cet article semblait limiter cette possibilité à la seule procédure de passation en cours ; solution qu’avait d’ailleurs retenue le juge du Tribunal administratif de Marseille en première instance dans cette affaire.

La haute juridiction valide donc la possibilité pour un acheteur d’exclure un candidat d’une procédure de marché public au motif qu’une personne proche (ici, le dirigeant de fait de la société) avait tenté d’influencer le processus décisionnel d’attribution de précédents marchés.

Ainsi, le département des Bouches-du-Rhône avait publié, à l’automne 2018, un avis relatif à la relance des lots « Électricité » et « Éclairage dynamique » d’un marché à procédure adaptée. Une société avait présenté une offre pour ces deux lots. Le département informa ce candidat qu’il risquait d’être exclu de la procédure de passation du marché car une personne proche de la société et considérée comme son dirigeant de fait, avait tenté d’influencer le processus décisionnel d’attribution des marchés publics de la collectivité entre 2013 et mai 2016. Ces faits avaient conduit à l’ouverture d’une information judiciaire dans laquelle le département était également partie civile. Malgré les explications données par ce candidat, la collectivité l’a exclu de la procédure. La société a alors saisi le juge du référé précontractuel afin que cette décision d’exclusion et la procédure de passation du marché soient annulées. Bien que le Tribunal administratif de Marseille ait fait droit à cette saisine au motif que de tels agissements auraient dû concerner uniquement le marché en cours, le Conseil d’État censure cette lecture.

Le juge, pragmatique, considère que le fait d’influencer les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution d’un marché public peut concerner de précédents marchés comme le prévoit l’ex-article 48 précité devenu L. 2141-8 du Code de la commande publique.

En pratique, lorsqu’un acheteur envisage d’exclure un candidat sur un cas d’interdiction facultatif de soumissionner, il doit donc préalablement l’inviter à se justifier (article L. 2141-11 du Code de la commande publique). Cet arrêt du 24 juin 2019 précise l’analyse que doit opérer l’acheteur sur cette réponse. Ainsi, il doit estimer d’une part, si le professionnalisme et la fiabilité du candidat peuvent être mis en cause et d’autre part, si la participation de ce candidat à la procédure peut porter atteinte au principe d’égalité de traitement. Si tel est le cas, l’acheteur peut exclure de la procédure le candidat concerné.

Sur le plan de la sécurité juridique, les acheteurs ne peuvent donc qu’être incités à prendre en compte ces possibilités d’exclusions facultatives offertes par les textes. Si un candidat entre dans un de ces cas, il est recommandé à l’acheteur de l’exclure plutôt que d’accepter cette candidature. En effet, à partir du moment où une candidature est acceptée, le candidat peut, après appréciation et notation de son offre, être classé en tête alors même que sa candidature est susceptible de violer les principes ci-dessus rappelés de la commande publique.

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