La prise de position formelle du Préfet : un outil de sécurisation des contrats publics ?

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La loi n°2019-1461 du 27 décembre 2019, relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a introduit un nouvel l’article L. 1116-1 au sein du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Cet article prévoit qu’avant d’adopter un acte susceptible d’être déféré au tribunal administratif, les collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements publics peuvent saisir le Préfet d’une demande de prise de position formelle sur cet acte. Le décret n°2020-634 du 25 mai est intervenue pour préciser ce régime. Cette procédure de prise de position formelle, que certains qualifie de « rescrit administratif » par analogie au « rescrit fiscal » constitue ainsi un nouvel outil que les collectivités peuvent mobiliser notamment – mais non exclusivement – dans la sphère de la commande publique.

Matthieu Kluczynski, avocat associé du cabinet MCH Avocats, répond à nos questions relatives à ce nouvel outil.

Quel est l’objectif de cette « prise de position formelle » ?

Matthieu Kluczynski : L’objectif de cette procédure est d’obtenir une décision de la préfecture en lien avec la mise en œuvre d’une disposition législative ou réglementaire avant l’adoption de l’acte en cause. La prise de position constituera ainsi un avis juridique préalable sur des sujets délicats, comme la conclusion d’un marché public sans publicité ni mise en concurrence au regard des critères du Code de la Commande Publique.

Le but est ainsi de sécuriser l’acte en cause en restreignant par anticipation le risque de contestation du Préfet lors de son contrôle de légalité. En effet, le Préfet sera ensuite engagé par sa prise de position et ne pourra pas saisir le Tribunal administratif de la légalité de cet acte, sous réserve que les circonstances ou les caractéristiques de l’acte ne soient pas modifiés après la décision de la Préfecture.

Cet outil a donc vocation à être mobilisé sur des actes sensibles des collectivités et donc notamment en matière de contrats de la commande publique ou de montages contractuels complexes impliquant l’interprétation d’un texte ou une situation particulière. Toutefois, les voies d’action ouvertes aux candidats évincés (référés précontractuel ou contractuel, recours en contestation de validité du contrat, etc.) demeureront évidemment ouvertes.

 

Quelle procédure faut-il mettre en œuvre ?

Matthieu Kluczynski : Les articles L.1116-1 et R. 1116-1 issus du décret du 25 mai dernier encadrent les formalités de cette demande. Sur la forme, la demande est écrite, précise et complète. Elle doit ainsi être signée par une personne compétente pour représenter l’auteur de la demande et doit être transmise par tout moyen permettant d’apporter la preuve de sa réception. Sur son contenu, elle comprend un exposé des circonstances de fait et de droit fondant le projet d’acte et la présentation claire et précise de la ou des questions de droit portant sur l’interprétation d’une disposition législative ou réglementaire directement liée au projet d’acte.

Enfin concernant ses annexes, elle comporte également le projet d’acte lui-même, dans une version aussi finalisée que possible. Elle est encore accompagnée de toute pièce utile de nature à permettre à l’autorité compétente de se prononcer. Si la demande est incomplète, le Préfet doit inviter son auteur à fournir les éléments complémentaires nécessaires.

Mais quel délai peut prendre cette procédure ?

Matthieu Kluczynski : Avant tout, le Préfet n’est pas obligé de répondre explicitement à la demande. Le silence gardé par le Préfet pendant trois mois à compter de la date de réception de la demande ou, le cas échéant, à compter de la date de réception des éléments complémentaires demandés, vaut absence de prise de position formelle.

Ce délai apparaît relativement long pour des actes justement jugés sensibles et donc parfois conclus en urgence. A titre d’exemple, ce délai paraît peu compatible avec le délai d’approbation d’un marché public motivé par une situation d’urgence, sauf à « tenter » cette voie en invitant la Préfecture à répondre dans les meilleurs délais.

 

Cette procédure dispense-t-elle son auteur de la transmission de l’acte au contrôle de légalité.

Matthieu Kluczynski : Bien au contraire, la collectivité sera tenue de transmettre de l’acte définitivement adopté au représentant de l’État, dans le cadre de l’exercice du contrôle de légalité. Mais plus encore, l’auteur de la demande de prise de position formelle a l’obligation de joindre la prise de position formelle que la Préfecture a pu émettre peu de temps auparavant.

 

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