Nouveaux CCAG et clauses environnementales : quels apports ?

Les cinq cahiers des clauses administratives générales (ou CCAG) relatifs aux fournitures courantes et services, travaux, prestations intellectuelles, marchés industriels et aux techniques de l’information et de la communication, dont la publication est prévue le 1er avril prochain, ont tous été remaniés et un nouveau créé, le CCAG maîtrise d’œuvre. L’un des objectifs affichés de ces nouveaux documents par la Direction des affaires juridiques de Bercy est d’en faire un instrument de politique publique au service des achats durables. La consultation lancée mi-janvier dernier par Bercy précise ainsi que des clauses seront introduites en matière de protection de l’environnement (livraison, emballages et gestion des déchets).

Concrètement, quels sont les apports de ces projets de clauses par rapport aux dispositions déjà existantes du Code de la commande publique ou à la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ?

Le développement durable, un principe déjà ancré dans la commande publique

Pour mémoire, le Code de la commande publique prévoit que les critères d’attribution des marchés publics peuvent comprendre des aspects environnementaux tels que les performances en matière de protection de l’environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, de biodiversité (art. R. 2152-7 2°). Ces performances ou exigences fonctionnelles en matière environnementale peuvent être définies par référence à un écolabel (art. R. 2311-8). Le coût du cycle de vie peut également être utilisé comme critère d’attribution, à la place du critère prix, et cette méthode de calcul doit notamment prendre en compte les coûts des externalités environnementales d’un produit, service ou ouvrage (art. R. 2152-9). S’agissant des achats de véhicules à moteur, le Code indique que les incidences énergétiques et environnementales du véhicule sur toute sa durée de vie doivent être pris en compte dans l’estimation du besoin (art. R. 2172-35).

La loi du 10 février 2020 oblige les acheteurs à inclure des clauses et critères permettant de réduire la consommation de plastiques à usage unique, la production de déchets et de privilégier les biens issus du réemploi ou intégrant des matières recyclées. S’agissant des logiciels, cette loi prévoit plus précisément que doivent être favorisés ceux dont la conception permet de limiter la consommation énergétique associée à leur utilisation. Elle vise également certains segments d’achats comme l’achat de pneumatiques qui doivent porter sur des pneumatiques rechapés sauf première consultation infructueuse. De même, un décret qui était attendu pour le 1er janvier dernier doit préciser, pour chaque produit, le taux minimum de biens issus du réemploi, de la réutilisation ou utilisant des matières recyclées.

Les apports environnementaux de la réforme des CCAG

Quid des nouveaux CCAG ? Tous proposent d’inclure une clause environnementale générale qui indique que les documents particuliers du marché (CCAP, CCTP ou CCP) précisent les obligations environnementales du titulaire dans l’exécution du marché ; obligations qui doivent être vérifiables selon des méthodes objectives et faire l’objet d’un contrôle effectif. Une obligation est également mise à la charge du titulaire qui doit s’assurer que ses sous-traitants respectent les exigences environnementales du marché. En cas de non-respect de ces obligations, des pénalités fixées par les documents particuliers pourraient être appliquées après mise en demeure restée infructueuse.

Un commentaire sous cette clause précise que les documents particuliers peuvent ainsi prendre en compte la réduction des prélèvements des ressources, la composition des produits et leur caractère écologique, polluant ou toxique, les actions en faveur du réemploi, de la réutilisation, du reconditionnement, de l’intégration de matières recyclées et du recyclage, les économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables ou encore, la prévention de la production des déchets et leur orientation vers des filières de valorisation, les pratiques intégrant la réduction des gaz à effet de serre et d’amélioration de la qualité de l’air, la réduction des impacts sur la biodiversité et la sensibilisation des intervenants aux problématiques environnementales dans l’exécution du marché.

Il est intéressant de noter que le nouveau CCAG applicables aux marchés de maîtrise d’œuvre rend responsable le maître d’œuvre de la valorisation ou l’élimination des déchets créés lors de l’exécution des prestations. Celui-ci doit veiller à la réalisation des opérations de collecte, transport, entreposage, tri et évacuation des déchets vers les sites les recevant et doit pouvoir produire tout justificatif de traçabilité du traitement des déchets notamment ceux dangereux. Il peut se voir appliquer des pénalités s’il n’est pas en mesure de produire de tels éléments.

Les projets de nouveaux CCAG relatifs aux fournitures et services, marchés industriels et aux techniques de l’information et de la communication proposent également que le titulaire veille à limiter l’impact environnemental des livraisons et du transport des produits proposés. Ainsi, la circulation en heure de pointe doit être évitée, le transport groupé des marchandises privilégié et les véhicules à faibles émissions ou les modes de transport doux ou alternatifs à la route favorisés.

Une fois les projets de CCAG publiés et sous réserve de modifications de dernière minute, il appartiendra aux acheteurs soumis au Code de la commande publique de s’approprier ces nouveaux outils contractuels pour les intégrer à leurs marchés et que l’achat public conserve ainsi l’ambition d’être moteur en matière d’achats durables.

 

Solène Penisson
Avocat à la Cour

 

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