Le projet de loi climat et la commande publique : un verdissement qui prend racine

Le projet de loi « climat et résilience », issu de la convention citoyenne pour le climat, comporte des propositions afin d’ouvrir davantage la porte à la prise en compte de l’écologie dans l’économie et, plus globalement, dans nos circuits de consommation.

Certes, la commande publique n’est clairement pas le cœur de ce projet qui traite essentiellement de l’isolation des bâtiments, de l’encadrement de la publicité, du développement des transports non polluants, de la limitation de l’artificialisation des sols, etc., mais elle n’en est pas pour autant oubliée.

Ainsi, ce texte prévoit deux mesures visant à favoriser l’émergence d’une commande publique verte.

Les clauses environnementales : du facultatif à l’obligatoire

D’une part, le projet de loi propose de modifier l’article L.2112-2 du Code de la Commande Publique (CCP) afin de renforcer la présence des clauses environnementales dans les marchés publics.

Rappelons que le chantier du verdissement de la commande publique date de plusieurs années, notamment avec la réforme du droit de la commande publique en 2015/2016 et sa codification entrée en vigueur le 1ier avril 2019.

Mais force est de constater que les acheteurs ne mobilisent que très à la marge cette possibilité.

Le CCP prévoit à ce jour que les clauses d’un marché public doivent préciser les conditions d’exécution des prestations, lesquelles peuvent prendre en compte « les considérations relatives (…) à l’environnement ». A noter que l’environnement n’est pas distingué, mais figure parmi d’autres considérations possibles à savoir l’économie, l’innovation, le domaine social, l’emploi ou la lutte contre les discriminations.

A cet égard, le projet de loi prévoit de compléter cet article en érigeant textuellement, dans un paragraphe dédié, l’environnement comme un enjeu à prendre en compte : « les clauses du marché prennent en compte des considérations liées aux aspects environnementaux des travaux, services ou fournitures du marché ».

Outre la reconnaissance textuelle de l’environnement, qui tend à se distinguer des autres considérations possibles, la proposition érige en obligation la prise en compte de l’environnement par l’usage du présent de l’indicatif, ce qui était jusque-là une simple possibilité à la discrétion des acheteurs.

Cependant, la situation reste assez floue étant donné la formule générale employée qui ne permet pas de comprendre ce qu’implique très concrètement cette « prise en compte » des conséquences environnementales d’un achat public.

L’environnement en critère imposée pour le jugement des offres : la fin du critère unique du prix

D’autre part, le projet de loi prévoit de modifier l’article L. 2152-7 al. 1er du CCP relatif aux modalités de sélection des offres et selon lequel l’acheteur doit établir « des critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ».

La proposition consiste à ajouter que la consultation devra comporter au moins un critère lié aux « caractéristiques environnementales de l’offre ».

L’influence est donc notable puisque le critère environnemental dans le processus de sélection des offres serait une obligation. Il rejoindrait ainsi le critère du prix dans la très sélective catégorie des critères obligatoires en marché public.

Cette réforme sonnerait donc le glas de la possibilité de prévoir le prix comme seul critère de jugement des offres.

A noter que le texte n’impose pas de pondération minimum sur ce critère, de sorte qu’il appartiendra à chaque acheteur de déterminer la valeur – et de facto l’intérêt réel – associé à la prise en compte des externalités environnementales.

Une nuance de taille doit cependant être relevée puisque ce texte n’est applicable qu’aux marchés publics et non aux concessions.

A ce jour, le processus législatif suit son cours : le projet a été communiqué par le gouvernement le 8 janvier dernier, avant d’être discuté en conseil des ministres le 10 février suivant. En tout état de cause, il ne rentrerait en application qu’à une date fixée par décret ou, au plus tard, à l’issue d’un délai de 5 ans.

Matthieu KLUCZYNSKI

Avocat à la Cour

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