Le décret du 9 mars 2021 : une nouvelle marche vers la commande publique circulaire

La loi n°2020-105 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite Loi AGEC), promulguée le 10 février 2020, attendait, depuis maintenant un an, son décret d’application permettant de lui donner sa pleine et juste mesure. C’est désormais chose faite avec un décret n° 2021-254 du 9 mars 2021 relatif à l’obligation d’acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées.

Les implications de ce décret obligeront donc les acteurs de la commande publique à repenser leur méthode d’achat de manière plus vertueuse, afin d’y intégrer des biens réutilisés ou issus du recyclage. Matthieu Kluczynski, associé du cabinet ADMYS Avocats, répond à nos questions sur ce nouveau décret et ses conséquences pratiques.

 

ACP FORMATION : Quels sont les conséquences de ce décret sur le droit de la commande publique ?

Me Matthieu Kluczynski : La conséquence première de la Loi AGEC, désormais complétée par ce décret d’application publié le 10 mars 2021, est que l’État et les collectivités territoriales doivent se montrer exemplaires dans leurs achats en ayant comme objectif de favoriser les filières du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage.

Avec cette loi, l’économie circulaire, le respect de l’environnement et l’adoption de comportement vertueux doivent à terme devenir des réflexes pour les acteurs de la commande publique.

Cf notre précédent article

Le principal apport de ce décret d’application, attendu par les acheteurs (avec une certaine appréhension…) depuis de nombreux mois, est la fixation de taux de réemploi, de réutilisation ou de matière recyclée, à prendre en compte lors de l’achat de catégories de fournitures également précisées par ce même décret.

 

ACP FORMATION : Quelles sont les catégories de fournitures concernées par cette obligation, et fixées par ce décret ?

Me Matthieu Kluczynski : La Loi AGEC du 10 février 2020 a posé le principe selon lequel les biens acquis sur une année par les acheteurs doivent, dans des proportions de 20 à 100 % selon le type de produit, être issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrer des matières recyclées (sauf en cas de contrainte liée à la défense nationale ou à la nature de la commande publique).

Dès lors, le décret vient compléter et préciser cette obligation en associant pour chaque fourniture ou catégorie de fourniture mentionnée dans un tableau en annexe, un taux déterminé.

De manière à désamorcer la principale crainte des acheteurs, notons que l’obligation s’entend pour le total du montant des achats annuels, et non pas pour chaque achat effectué.

De nombreuses et diverses catégories sont concernées par cette obligation a minima de biens issus de la filière responsable. Nous citerons parmi elles les plus marquantes et dont l’utilisation quotidienne par les personnes publiques impactera leurs procédures d’achats sur ce type de fourniture : la papeterie et autres (imprimés, livres, brochures…), les photocopieurs et cartouches d’encre, les fournitures de bureau, mais encore les mobiliers urbains, les bâtiments préfabriqués, etc.

Il est à noter que le décret fixe la quasi-totalité des seuils minimaux au plus bas que la loi autorise, soit un taux de 20 %. Seules deux exceptions figurent dans cette liste annexée au décret : les papiers d’impression ou de photocopie et les imprimés, brochures, papeteries, etc, qui devront respecter un taux minimal de 40 %.

 

ACP FORMATION : Quand ce texte va-t-il entrée en vigueur ?

Me Matthieu Kluczynski : Ce décret n° 2021-254 a été signé le 9 mars 2021, et publié au Journal officiel de la République française le lendemain, le 10 mars dernier.

Il est indiqué que celui-ci entre en vigueur le 1er janvier 2021, soit de façon rétroactive.

Toutefois, pour pallier les risques de calculs biaisés des taux minimum à respecter sur une année au regard de la publication du décret en mars, l’article 5 vient préciser que « pour l’année 2021, les marchés publics de fournitures pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication avant la date de publication du présent décret sont exclus du décompte de la dépense calculée en application de l’article 2. ».

 

ACP FORMATION : Quelles sont les sanctions en cas de non-respect des taux fixés par le décret ?

 Me Matthieu Kluczynski: La question des sanctions en cas de non-respect de ces obligations n’est pas précisée ni par la loi ni par son décret d’application. Le silence est d’or…

A notre sens, les procédures classiques de contestation par les candidats évincés (référé précontractuel et contractuel, recours en contestation de validité du contrat, recours indemnitaire) ne pourront pas s’appuyer sur la méconnaissance de ces taux.

En effet, cette obligation porte sur un taux annuel et ne constitue pas une formalité de publicité et de mise en concurrence prescrite par le Code de la Commande Publique.

L’enjeu de ces prescriptions est ainsi principalement d’inciter les collectivités territoriales et l’État à s’engager dans une démarche d’achats responsable et vertueuse, plus que de sanctionner sévèrement la non-atteinte des objectifs assignés.

Tout du moins pour le moment.

 

ACP FORMATION : Quelles sont les perspectives ouvertes par ce décret ?

Me Matthieu Kluczynski : Le décret prévoit la réalisation d’une évaluation de cette réforme par les ministres concernés d’ici la fin d’année 2022. L’objectif affiché d’une telle évaluation sera d’établir les effets de la Loi AGEC, et d’envisager l’opportunité d’élargissement de la liste des catégories de fournitures annexée au présent décret.

Il semble qu’à l’avenir, les catégories de fournitures concernées par un taux minimum se multiplieront, afin d’attendre un objectif toujours plus ambitieux d’achat de biens de réemploi ou de recyclage, ce qui n’est pas sans inquiéter certains acheteurs. A l’inverse, d’autres considèreront que les taux prévus au décret actuel sont déjà insuffisants pour faire face aux défis environnementaux actuels…

 

Pour en savoir plus, nous vous recommandons de suivre la formation L’économie circulaire et le développement durable dans les marchés publics