Précisions sur les pénalités de retard : pouvoir de modulation du juge et critère de jugement

Dans un arrêt rendu le 19 juillet 2017, le Conseil d’État rappelle l’objet des clauses de pénalités de retard et vient préciser l’étendue du pouvoir de modulation du juge. Dans un autre arrêt rendu le 22 juin 2017, la Cour administrative d’appel de Versailles autorise le recours à la pénalité pour dépassement du délai d’exécution des travaux, proposée par les candidats, comme sous-critère de la valeur technique. Ces jurisprudences nous donnent des précisions sur l’application des pénalités de retard, en tant que clause d’exécution financière d’un marché public ou critère de jugement des offres.

  • S’agissant des pénalités de retard prévues par les clauses d’un marché public, le Conseil d’État rappelle qu’elles ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d’exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu’un retard dans l’exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n’aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

Le Conseil d’Etat vient préciser l’étendue du pouvoir de modulation des pénalités octroyé au juge depuis la jurisprudence « OPHLM de Puteaux » du 29 décembre 2008. Il rappelle que lorsqu’il est saisi d’un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat. Il peut néanmoins, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations.

Dans l’arrêt « OPHLM de Puteaux », le Conseil d’État avait jugé le montant des pénalités de retard appliquées par l’office manifestement excessif, lesquelles représentaient 56,2 % du montant global du marché. A l’inverse, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé dans un arrêt rendu le 22 juin 2017 qu’une pénalité pour non-respect du délai d’exécution des travaux d’un montant égal à 48% du prix du marché n’est pas manifestement excessive.

Peut-on légitimement considérer qu’au-delà d’un certain seuil (50% du montant du marché par exemple), le juge peut qualifier le montant des pénalités de retard comme étant manifestement excessif et recourir à son pouvoir de modulation ? Quelles sont les limites de ce pouvoir ? Jusqu’à quel montant peut-il réduire les pénalités de retard appliquées par un acheteur ?

Dans sa décision du 19 juillet 2017, la Haute Juridiction apporte des éléments de réponse.

Saisi en cassation, le Conseil d’État annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris qui avait jugé excessive l’application de pénalités pour un montant de 513 657 euros, correspondant à plus de 60 % du prix initial du marché. Elle avait alors recouru à son pouvoir de modulation et réduit les pénalités à 210 000 euros, montant inférieur à l’évaluation faite par le maître d’ouvrage de son préjudice.

Le Conseil d’État considère que la Cour a commis une erreur de droit en réduisant le montant des pénalités à la charge du titulaire sans s’assurer de leur caractère manifestement excessif. Il lui appartenait de vérifier tous les éléments fournis par le titulaire à l’appui de ses conclusions, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif.

Le juge a donc la faculté de réduire le montant des pénalités à la charge du titulaire, mais pour cela il doit :

-s’assurer au préalable de leur caractère manifestement excessif au regard notamment des pratiques observées pour des marchés comparables ou des caractéristiques particulières du marché ;

-fixer un montant de pénalité permettant de couvrir le préjudice subi par l’acheteur.

 

  • S’agissant de la pénalité de retard comme sous-critère permettant de juger la valeur technique d’une offre, la Cour administrative d’appel de Versailles valide son utilisation en tant qu’instrument de mesure de la capacité technique de l’entreprise à respecter des délais d’exécution prévus dans les documents contractuels. Elle considère que cette pénalité n’est pas sans lien avec la pertinence des moyens techniques que l’entreprise entend mettre en œuvre pour respecter les délais de réalisation du marché, et qu’elle est en rapport avec l’objet du marché en litige (en l’espèce un marché de travaux de construction).

Elle précise que ni la circonstance que la pénalité ne soit susceptible d’être prononcée qu’en cas de retard d’exécution du marché, ni celle qu’elle soit susceptible d’être atténuée par le juge du contrat ne peuvent faire regarder ce sous-critère comme dénué de tout caractère objectif et de toute pertinence.

 

Pour aller plus loin, nous vous invitons à suivre notre formation « Rédiger des clauses de pénalités » le 7 décembre 2017 à Paris.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.