Saisir le juge du référé mesures-utiles pour faire respecter les obligations contractuelles

Saisir le juge du référé mesures-utiles pour faire respecter les obligations contractuelles
Matthieu Kluczynski, Avocat associé Cabinet MCH Avocat
Matthieu Kluczynski
Avocat associé
Cabinet MCH Avocat

 

Un enjeu majeur pour les acheteurs

Au cours de l’exécution de leurs marchés publics, les acheteurs peuvent être confrontés à une difficulté de taille : le non-respect des obligations contractuelles par le titulaire du contrat. Les raisons peuvent être variées : insatisfaction du titulaire sur l’équilibre économique de la convention, défaillance du titulaire, mise en place d’une solution alternative ne répondant pas aux exigences du contrat, etc.

Dans une telle situation, les acheteurs peuvent avoir tendance à envisager la voie de la résiliation du contrat (unilatéralement ou amiablement). Pourtant, la Société qui a conclu un contrat public à des conditions déterminées a pris un engagement qu’elle est tenue d’assumer. Et l’acheteur dispose de moyens pour imposer le respect de son contrat.

Ainsi, à l’occasion d’un arrêt du 29 mai 2019 (CE, 29 mai 2019, Université de Rennes 1, req. n°428628),  le Conseil d’État a rappelé que le juge du référé mesures-utiles peut ordonner au titulaire d’un contrat public de prendre des mesures nécessaires pour assurer la continuité du service public. 

Rappel du contexte de cette affaire

L’Université de Rennes 1 a conclu un marché public de fourniture de services d’adduction à un réseau en très haut débit sur plusieurs sites en Bretagne. Afin d’atteindre un débit suffisant, le titulaire du marché a mis en place une solution alternative, laquelle s’est avérée insatisfaisante. La Société a donc été mis en demeure de respecter les stipulations contractuelles sur le niveau de débit attendu. 

L’Université a ensuite saisi le juge du référé mesures-utiles du Tribunal administratif de Rennes, sur le fondement de l’article L.521-3 du Code de Justice Administrative (CJA) afin qu’il soit ordonné au titulaire du marché de rétablir le réseau hertzien ou tout autre technologie permettant d’atteindre le débit contractuellement prévu.

Une issue favorable à l’acheteur

Par une ordonnance en date du 18 février 2019, le Tribunal administratif a fait droit à la demande de l’Université en ordonnant au titulaire du marché de rétablir le réseau ou de mettre en place une solution alternative suffisante jusqu’au terme du marché, et ce sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard.

La Haute Juridiction confirme cette analyse en soulignant que la Société titulaire n’établissait pas avoir recherché un nouveau fournisseur de faisceau hertzien ni une solution qui aurait permis d’assurer la pérennité du service radio jusqu’au terme du contrat.

Également, le Conseil d’État estime que la défection du fournisseur de la Société titulaire ne constituait pas une situation de force majeure et ne révélait pas des difficultés techniques particulièrement permettant la résiliation à la demande du titulaire du marché en vertu de l’article 31 du CCAG-FCS.

Quand saisir le juge d’une telle demande ?

L’arrêt commenté constitue une illustration d’une position jurisprudentielle éprouvée, même si les acheteurs se montrent souvent réticents à introduire une telle action.

Certes, en principe, il n’est pas possible pour le juge administratif d’adresser des injonctions au cocontractant de l’administration, lorsque cette dernière dispose des pouvoirs nécessaires pour assurer l’exécution des obligations contractuelles.

Mais, le recours au juge des référés est – dans une large mesure – envisageable dès lors que les conditions suivantes sont réunies :

  • une voie d’action parallèle d’effet équivalent ne doit pas exister ;
  • la demande présente un caractère d’urgence et d’utilité : la nécessité d’assurer le bon fonctionnement du service et l’intérêt du service public répond à la condition d’urgence (CE, 1er oct. 2007, Agence foncière et technique région parisienne [AFTRP], req. n° 299464) ;
  • lorsque l’administration ne peut user de moyens de contrainte à l’encontre de son cocontractant.

A noter que cette voie peut être ouverte pour lever différents points de blocage comme la méconnaissance d’une prescription claire du contrat, ou une attitude regrettable du titulaire tel le refus de communiquer les documents d’une concession (TA Amiens, ordonnance, 19 décembre 2002, Commune de Péronne c/ SICAE du secteur de Roisel et de la région de Péronne, req. n°022313).

Acheteurs, ne vous pensez pas dépourvus de moyens en cas de non-respect des exigences contractuelles : le référé mesures-utiles constituent une voie rapide et efficace (sous réserve de demande l’astreinte) pour contraindre le titulaire à se conformer à ses obligations.


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Litiges et contentieux dans les marchés publics