Financer l’aménagement urbain 

Anne Sinet
Directeur
allNext consultants

En période de baisse des finances publiques locales, comment recourir au partenariat public-privé sans perdre le contrôle ?

Dans une période où les finances locales sont plutôt en berne et ne permettent plus de financer les investissements publics au même rythme et dans les mêmes conditions que par le passé, le recours au PPP devient incontournable. Il peut concerner la seule construction d’un équipement, mais peut aller jusqu’à l’aménagement de quartiers d’habitat avec leurs infrastructures et leurs équipements. Toutefois, il ne faudrait pas croire que le privé assumera seul les risques de l’opération. Un partenariat repose sur un partage des responsabilités et des risques, notamment financiers. Dans ce contexte, la question du partage et de l’affectation des plus-values devient cruciale : comment ces plus-values tirées de l’aménagement peuvent-elles servir à financer l’urbanisation et ne pas bénéficier seulement aux propriétaires et opérateurs fonciers ?

Le recours au privé n’est pas nouveau dans une France qui a inventé la notion de délégation de service public. Toutefois, le contexte a évolué, recomposant les rapports de force entre acteurs publics et privés. Sur ce principe un partenariat vertueux suppose que les collectivités locales gardent la responsabilité du pilotage et restent garantes de l’intérêt général. En matière d’aménagement, ce positionnement est généralement qualifié de maîtrise d’ouvrage urbaine, terme quelque peu tautologique qui recouvre cette capacité à définir et diriger la commande et coordonner le pilotage au niveau politique et technique. Les enjeux sont importants : éviter notamment le développement d’un urbanisme fait d’opérations immobilières successives, obligeant à terme la municipalité à « recoudre » la ville en engageant des moyens financiers souvent très supérieurs à ceux qu’elle aurait eu à mobiliser si elle avait su au départ exercer une véritable maîtrise d’ouvrage urbaine.

Toutefois, les maires sont maintenant confrontés à la complexité des montages financiers : même si le recours fréquent à l’appel à projets fait peser sur l’opérateur privé la responsabilité d’une partie de la conception de l’opération, les collectivités doivent être en mesure d’en évaluer la pertinence et les risques encourus, ce qui implique de nouveaux savoir-faire et expertises. Surtout que les montages varient avec les contextes, les projets, et qu’il n’y a pas de solutions « prêt à porter » pouvant être appliquées de manière universelle ; seuls les principes restent analogues, leurs applications pouvant prendre des formes diverses au contact des projets, nécessairement spécifiques. Les cas de figure les plus fréquents sont ceux des « macro-lots » confiés aux opérateurs privés par la ville et ses aménageurs (SEM, EPL, etc.). L’avantage : la diminution des coûts d’infrastructures et d’équipements portés par la collectivité, ceux ci-étant réalisés par les promoteurs moyennant une décote sur le prix du foncier (lorsqu’il s’agit d’un foncier public).

Le levier foncier n’est plus systématiquement de mise. Fréquemment par le passé, le poids de la collectivité était d’autant plus grand qu’elle entrait dans la négociation avec les promoteurs et opérateurs privés en apportant le terrain d’assiette des opérations. Face à la cherté du foncier et aux difficultés inhérentes à la procédure d’expropriation, les opérations sont de plus en plus conçues avec les promoteurs sans acquisition du foncier, sous la forme d’un « urbanisme négocié ». La collectivité doit alors réévaluer son positionnement et inventer de nouveaux outils dans lesquels elle ne dispose plus du même pouvoir d’initiative et doit négocier les délais et les contributions au financement des ouvrages hors site et in-site sous la forme d’une taxe d’aménagement calculée au m2 construit (SHON) : il peut s’agir de « ZAC de participation », de « ZAC privée », de « ZAC incitative » ou de « Projet Urbain Partenarial ». Les outils dont dispose la municipalité ne sont plus seulement d’ordre directement financier. Ils peuvent prendre la forme de mesures plus incitatives qui passent notamment par des règles d’urbanisme incitant les propriétaires fonciers à revoir leurs stratégies : par exemple, la décision d’imposer des densités plus fortes ou de réviser les affectations de terrains sont susceptibles d’inciter les propriétaires foncier à mieux valoriser leurs terrains en développant leurs surfaces constructives ou en décidant de vendre leurs terrains à des promoteurs capables de répondre aux exigences du PLU.

Finalement la question est celle de la recomposition des responsabilités dans le portage des coûts d’urbanisation. Elle n’est pas nouvelle[1], elle évolue simplement au grès des changements de contexte et de rapports de force entre les acteurs. Ces acteurs sont au nombre de quatre : le propriétaire foncier, le promoteur constructeur, le contribuable et l’usager ou bénéficiaire direct de l‘opération. Le recours plus systématique au PPP dans les zones dites tendues conduit à faire peser davantage les charges de l’urbanisation sur le promoteur-constructeur et sur l’usager ou bénéficiaire direct, et moins sur le contribuable ou la puissance publique. Les équipements publics relèvent moins de la collectivité et de sa capacité à lever une fiscalité, que de l’efficacité des outils déployés par cette même collectivité pour mettre à la charge des constructeurs la réalisation des équipements publics. Toutefois, le constructeur reportera cette charge nouvelle dans ses coûts de sortie et donc sur les usagers et acquéreurs de ses programmes immobiliers.

Ces évolutions sont surtout visibles dans les zones dites tendues où le foncier est spéculatif et où les opérateurs notamment privés se bousculent. Dans les zones dites détendues, le contexte de la « privatisation » n’est pas le même et les collectivités sont souvent réduites à trouver seules les financements nécessaires au développement de leur commune. Les solutions du type projet urbain partenarial, ou de ZAC sans expropriation avec création d’AFU peuvent toutefois constituer des options durables.

[1] Lire notamment Joseph Comby « Qui doit payer l’urbanisation » ou encore Alain Guenguant « les coûts de la croissance péri-urbaine ».

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